Traditions Populaires
LES CONTES
L'ARGIA
LA FETE DE ST EFISIO
MAMUTHONES
CARNAVAL
POLYPHONIES DE LA SEMAINE SAINTE
GARA POETICA
SARDES & CHEVAUX
MATRIMONIO MAURITANO

Traditions Populaires

LES CONTES, RECITS ET LEGENDES SARDES


Une tradition orale
La Sardaigne est une terre de légende. La culture sarde repose sur une transmission orale millénaire. Cette culture traditionnelle est ancrée dans le sacré, plongeant ses racines dans les religions païennes sur lesquelles s’est juxtaposée la tradition chrétienne qui imprègne toute la vie et les coutumes sardes. Aujourd’hui cette culture traditionnelle, sans disparaître, tend à se décanter.



Les gara poetica (joutes poètiques)
Cette terre de poésie se retrouve dans les fêtes traditionnelles, et Dieu sait si elles sont nombreuses! Il y a beaucoup d’occasions de faire la fête notamment en l’honneur du (ou des) Saint Patron du village, plus rarement, lors de certaines fêtes politiques ou pendant la période estivale lors du retour au village des imigrés, des concours de poésies sont organisés. Au cours de ceux-ci deux ou plusieurs poètes improvisent sur un thème qui leur est proposé, par exemple: la paix et la guerre, etc. Le premier poète chante, le second, souvent reprend le dernier vers, et poursuit en développant une thèse contraire et ainsi de suite (voir plus bas les Gara poetica et l'excellent livre de Maria MANCA " La poésie pour répondre au hasard").

Les contes
La tradition orale c’est également les contes, récits et légendes qui s’adressent à tous les ages. Certains contes se retrouvent dans d’autres régions d’Italie, d’Europe, voire du monde: c’est le cas de « l’Amour des trois oranges » par exemple.
Madame Lauranne Milliquet, dans son excellent livre « La Porte d’Argent » cite le conte « La poulette Poulighitta » qui rappelle la chanson que chantent les grands mères françaises à leurs petits enfants « Biquette veux-tu sortir du chou » et aussi un passage de cet autre, « Les perplexités de Pierre » qu’elle cite également et dont on trouve la même inspiration dans la fable de La Fontaine « le Chartier embourbé ».
Mais la plupart est liée à des coutumes locales d’un village ou d’une région. Ces contes ont souvent une valeur didactique voire moralisatrice. Ils racontent sous forme idéalisée l’histoire de la Sardaigne, les hauts faits réels ou supposés de la vie de certaines personnes célèbres comme Eleonor d’Arborea ou certains bandits passés dans la légende. Les rites, les magies et les peurs ancestrales pour les conjurer: la maladie, la mort, etc. Ils font apparaître des êtres surnaturels: les fées, les diables, les vampires, les esprits, les géants, etc. les saints et certains grandes figures de la tradition chrétienne. Ils font entrevoir des trésors, des merveilles ou des monstres, etc.
Ces contes sont merveilleux, certains sont fantastiques, d’autres sont empreints de philosophie, si certains ont des racines religieuses, d’autres sont irrévérencieux, quelques uns sont mêmes érotiques.
Raconter est un art. La qualité du conteur est toujours pour beaucoup dans l’intérêt du conte, mais la qualité d’écoute de l’auditeur n’est pas moindre. Car comme le dit un proverbe sarde: « une parole pas (ou mal) dite est une parole perdue » mais un autre dit aussi que « Là où il n’y a pas de fous les sages ne rient pas ».


L'ARGIA

Un exemple de musicothérapie en Sardaigne
(La tarentelle sarde)

Peu de gens connaissent la danse de "l'argia" en Sardaigne. Le "tarentisme" des Pouilles, qui est à l'origine de la danse "la tarentelle" est beaucoup mieux connu.

Au cours de ses études d'Arts Plastiques à la Sorbonne, notre amie Clotilde Pillosu, a découvert un livre, désormais classique sur le sujet, " I rituali dell'argia " de C.Gallina et celui sur le tarentisme
" La terre du remord " de E.De Martino. Elle a fait son mémoire de maîtrise à la Sorbonne sur le rituel de l'argia en Sardaigne.



Dans les Pouilles, jusque dans les années cinquante, la tradition voulait, lorsqu'une personne avait des problèmes psychiques, que l'on fasse venir des musiciens à domicile. Ils jouaient pendant trois jours, le malade devait danser la tarentelle tout au long de cette période au bout de laquelle il était guéri. Ils s'agissait dans la plupart de cas de femmes.
Elles disaient que les problèmes étaient liés à la piqûre d'une araignée, la tarentule, qui pouvait donner des symptômes paroxystiques assez proches de la danse et du mouvement.

En Sardaigne, on appelait "argia" cette espèce de tarentule venimeuse bien connue des paysans. Ce rituel était répandu dans tous les villages. Il était gardé secret la plupart du temps à cause de son caractère érotique qu'accompagnaient la danse et la musique.
En Sardaigne, à la différence des Pouilles, il y avait un pourcentage d'hommes piqués par cette araignée. Etait-ce vraiment la piqûre de celle-ci ?

L'intérêt de ce rite consistait dans l'utilisation, par les gens du village, de la musique et de la danse dans le but de soigner une personne en difficulté .



Voir le livre de Clara GALLINI "LA DANSE DE L'ARGIA"  rubrique littérature


FETE DE SAINT'EFISIO
cette fête, une des plus importantes de Sardaigne, dure quatre jours et se déroule du 1er au 4 mai, entre Cagliari et Pula-Nora, elle attire une très grande foule.

SAGRA DI SAN EFISIO

Cagliari, premier mai 2002
(proposé par Clotilde Pillosu)

Depuis ma naissance à Cagliari, la procession de Saint Efisio a constitué un moment inoubliable de mon enfance.
Notre famille, n'habitant pas dans le parcours du défilé, se débrouillait pour aller voir "le saint" chez des amis qui avaient la chance d'avoir un balcon donnant sur le parcours immuable.
L'histoire de cette procession qui dure quatre jours et qui implique un millier de personnes bénévoles qui ne le font pas dans un esprit ni folklorique, ni lucratif, est très ancienne.


Mais qui était donc Efisio?

Efisio d'Elia était, en 313, un jeune guerrier romain qui combattait les chrétiens.
Il s'est converti au christianisme et il fût décapité puisqu'il ne voulait pas renier sa foi.

Ce saint est devenu le saint patron de Cagliari, la capitale sarde.

En 1652, la peste est arrivée en Sardaigne avec un manteau déchargé d'un bateau espagnol contaminé, tuant la population à la vitesse du vent. La ville de Cagliari, ne sachant pas comment arrêter cette épouvantable maladie, s'est adressée au Saint en lui promettant, s'il faisait cesser l'épidémie, que la ville porterait son effigie en procession depuis sa "maison", une petite église à lui dédiée, jusqu'au sanctuaire de Nora, port romain situé à trente kilomètres de la ville et le lieu de son martyre.

Le vœu a été exaucé, la ville fut en effet libérée de la maladie. Depuis 1656, en reconnaissance du miracle, une grande procession donne lieu à une des plus grandes fêtes méditerranéennes.

Une trentaine de chars à bœufs décorés (" les traccas ") , deux mille personnes, précédés de musiciens jouant de l'antique launneddas et de quelques autres instruments, défilent portant les costumes de leur village précédant le saint, tiré par ses deux bœufs fleuris, suivi d'une foule de milliers de fidèles, mi-fervents, mi-curieux prêts à marcher plusieurs heures derrière la statue de leur saint porte-bonheur. Certains demandent de le toucher, font des vœux de toute sorte, tout le monde y a droit.


Toute cette organisation relève de plusieurs confréries qui tout au long de l'année soignent les bœufs du saint, s'occupent du char et mettent au point l'organisation de la procession.


Voici l'avis d'un parisien de passage :
Cette grande fête populaire m'a ramené 40 ans en arrière lorsque enfant en vacances dans le Jura, je suivais la procession aux flambeaux qui menait, le soir du 15 août, de l'église à une statue de Marie.
C'était une des dernières manifestations de croyance collective en dehors des lieus de culte.
Je retrouve avec étonnement et plaisir une telle mobilisation spontanée et bon enfant en 2002, dans une ville pourtant industrielle mais qui a su garder les traditions tout en intégrant les nouvelles technologies dont Tiscali en est bien sûr un excellent représentant ..

 


MAMUTHONES

Une des fêtes les plus célèbres et les plus anciennes de Sardaigne est la fête des Mamuthones à Mamoïada, village au cœur de la Barbagia dans la province de Nuoro. Ce défilé a été plusieurs fois étudié, notamment par Raffaello Marchi. On y retrouve un rite agraire et pastoral dans sa simplicité originel qui évoque le culte des forces chtoniennes créatrices de la nature directement issu de la vie des proto sardes.
Les Mamuthones sont vêtus d’un habit curieux composé d’un pantalon blanc, de chaussettes montantes, d’une sorte de jupe courte, d’un corselet rouge sur une chemise et d’un gilet de peau porté avec le poil à l’extérieur appelé mastruca, ils sont coiffés d’un berritta noir retenu par un foulard noué sur le menton. Sur le dos et au cou ils portent des grelots (sa garriga). Leur visage est couvert d’un masque noir en bois (sa bisera). On retrouve des masques de mêmes inspiration dans quelques autres villages sardes notamment à Ottana (merdules, masque de bovins) mais aussi dans d’autres régions (Sicile, Grèce, Trace, Istria, Slovénie, Alpes, Pyrénées, etc.) et dans d’autres continents.


Les Mamuthones défilent en un pas de danse lent, faisant sonner les clochettes en rythme. Ils sont encadrés par les Issocadores qui portent une sorte de casquette à rubans, un large pantalon bouffant bleu, une chemise blanche et un gilet rouge, parfois un châle lié à la taille, ils ne portent ni sonnaille, ni masque, ni mastruca. Ils tiennent en main une sorte de cravache ou de fouet ou de lasso (soca) qu’ils lancent dans le public de sorte à attraper ami, enfants, jeunes filles, etc. en criant des boutades satiriques. Si la personne est prise ce sera un signe de bon augure.
A l’occasion de la fête de Saint Antoine, patron et protecteur des paysans et des bergers, le 17 janvier, la procession sort par groupes de 12 mamuthones accompagnés de 8 issocadorres. De nouveau ils reviennent dans les rues de ce bourg agricole lors du dernier dimanche de Carnaval et pour Mardi Gras.



Le mot Mamuthones est à rapprocher d'autres mots de la Barbagia
- Maimone: démon, idole bacchique du Carnaval qui meurt à Mardi Gras,
- Mamucone, zone montagneuse près de Mamoïada,
- Mamudine: endroit où se trouveraient des grottes gardées par des esprits,
- Mamujone: nom d'une source d'où dériverait le nom de Mamoïada.

Cette fête païenne est très ancienne et on lui donne différentes significations.
La victoire des habitants de l'intérieur des terres contre les envahisseurs sarrasins, faits prisonniers et conduits en cortège pour devenir esclaves des bergers.
Ou bien, il pourrait remonter à un rituel de la civilisation des nuraghes en honneur d'un Dieu agricole pastoral .
Ou encore, à un rite de mise sous le joug du bœuf.
D'autres interprétations relient cette fête aux rituels de fertilité dionysiaques comme dans d'autres civilisations méditerranéennes.
Il y a ceux qui voient dans le masque des Mamuthones l'effigie d'un esprit démoniaque.


 


CARNAVAL

Le carnaval en Sardaigne reste une des fêtes populaires qui ne disparaît pas avec la télévision et la mondialisation.
Au contraire, les différences de village en village se font de plus en plus frappantes.
Nous pouvons déjà citer cinq termes différents pour le dénommer.

On trouve en effet cinq zones dans l'île où Carnaval est appelé différemment:
Dans la plus vaste, la partie méridionale de l’île on l'appelle « Carnovali » .
Dans la petite zone orientale c’est « Maimone »
Au centre en Barbagia on le nomme « coli-coli » dont l'origine étymologique est assez obscure.
Dans la zone occidentale on dit « Carresegare »
Et enfin, dans le reste de l'île on l'appelle « Giorgio ».
Ce dernier terme a probablement des origines byzantines liées au culte d'un saint guerrier prénommé Giorgio dont la tombe était vénérée à cette époque.
Tous ces Carnavals ont en commun procession, parodie d'un transport funèbre suivie par des complaintes, les "attitidus" chantées en chœur "Mortu Carnevali scancioffau", (à mort le carnaval .. )
Ces textes Mamuthones et Carnaval ont été écrits à partir de notre documentation et plus particulièrement de "Il folklore sardo" de Francesco Alziator, Libreria editrice Dessi à Sassari (pages 72 à 82) et "La Sardaigne sans cagoule" de Maria Brando-Albini, éditions Subervie (chapitre IX, "Rites et croyances du cycle de l'année" , page 85 et suivantes).

L'association Sardaigne en liberté propose aussi un séjours "Danse et carnaval au coeur de la Sardaigne" voir les détails sur le site :
https://sardaignenliberte.com/wp-content/uploads/2019/01/Fiche-sardaigne-CARNAVAL.pdf


 

LES POLYPHONIES DE LA SEMAINE SAINTE

Les manifestations de la Semaine Sainte sont de loin les plus importantes du calendrier religieux. Ce sont de grands moments de piété et de ferveur populaire. Elles sont les plus intéressantes du point de vue musical. Certaines petites villes sont particulièrement célèbres, tout particulièrement dans la partie nord ouest de l’Ile : Aidomaggiore, Bonnanaro, Cuglieri, Santu Lussurgiu et surtout Castelsardo, qui concentre le plus grand nombre de confréries et le répertoire le plus riche et le plus original.
Visitez le site sur Castelsardo

Ces confréries sont très anciennes et connues au moins depuis le XVIIème siècles. Selon Tonino Cabizzosu ( Chiesa e Società, Cagliari, Edit. 3T) les confréries sont « une forme associative regroupant des laïques et ayant pour but premier leur formation personnelle. Celle-ci s’exprime de deux façons : à travers des formes dévotionnelles et à travers un service de charité sociale ». Leur activité se concentre autour de la pratique du chant à de nombreuses occasions : cérémonies religieuses du calendrier liturgique et funérailles, et de l’administration de la confrérie. Celle-ci élit, lors de ses assemblées, son Prieur, accueille ses « novices », organise l’exercice du chant et la transmission du répertoire.


De décembre aux Rameaux, tous les confrères se retrouvent le dimanche après midi dans leur église pour une répétition, la « prova ». Celle-ci dure au moins deux à trois heures, arrosée de vin et souvent accompagné de produits locaux : pain, saucisses, fromages…

Le chœur est ouvert mais le rôle du Prieur est prépondérant pour la Semaine Sainte car c’est à lui que revient la mission de sélectionner, le dimanche qui précède les Rameaux, ceux qui chanteront à cette occasion. Ce choix est délicat car il doit répondre à la fois à des critères de qualité et d’expérience, mais aussi préparer l’avenir en intégrant des jeunes et garder un certain équilibre social. Lors de cette Semaine Sainte le répertoire s’exécute par groupe de quatre chanteurs selon un registre naturel du bas à l’aigu : bassu, contra, bogi, falzittu (ce sont les noms donnés à Castelsardo, les dénominations peuvent changer selon les lieux). Les grands moments de la Semaine Sainte sont le Lundi (Lunissanti) et le Jeudi, le Vendredi revêt une forme exceptionnelle sous la forme d’un Miserere particulier qui se chante en marchant vite, fuggi fuggendo, (en fuyant) au cours duquel deux chœurs, non limités à quatre exécutants, se répondent en alternance.

Le Prieur et tous les confrères sont très rigoureux sur la qualité qui nécessite de leur part des d’être un bon chanteur : avoir de l’oreille (les chants se transmettent oralement et les chanteurs connaissent toutes les voix même s’ils sont spécialisés dans l’exécution d’une), une bonne voix, une grande discipline (présence régulière), une grande rigueur pour ne pas changer de partie en cours d’interprétation. Lorsque le chœur est en parfaite harmonie il fait apparaître une cinquième voix fusionnelle dite « quintina ». Celle-ci se situe dans le registre des voix de femme. Cette voix immatérielle est très recherchée par les chanteurs. Elle entre dans la symbolique de la Semaine Sainte.

La plupart des chants sont en latin et reprennent des textes liturgiques, ainsi les « Miserere » (psaume 50), les « Stabat Mater », un Stabat Mater est attribué à Jacopone da Todi (mort en 1306), à Castelsardo se chante un « Jesus » d’origine inconnue, parfois le texte latin a subi quelques altérations du fait de la transmission orale. Certains cantiques sont en sarde.
Castelsardo, Lundi Saint, émission de France Musique du lundi 30 avril 2012.
Cuglieri, Jeudi Saint,
émission de France Musique du lundi 7 mai 2012.
Cuglieri, Vendredi Saint, émission de France Musique du lundi 7 mai 2012.

Ces chants accompagnent les processions et les scènes qui illustrent la Passion qui sont jouées à la fin de l’office soit à l’intérieur même de l’église, soit sur le parcours entre deux églises. La grand messe du dimanche de Pâques met fin à ces manifestations. Le lundi de Pâques, Pasquetta, est une fête familiale et amicale qui donne lieu à un repas, souvent un pique-nique au cours duquel on mange des viandes rôties à la broche : cochon de lait (porchetto), agneau, etc. arrosé de bons vins, qui se conclue par les dolcetti sardi (gâteaux à la pâte d’amande ou au fromage ou au miel, etc.).

Parmi la documentation qui a servi à écrire ce texte il faut citer le livret qui accompagne le CD « Sardaigne, polyphonies de la Semaine Sainte » collection Musée de l’Homme CNRS édité par Le Chant du Monde LDX 274 936.
Lire aussi les études et livres de Bernard Lortat-Jacob (page Littérature)


GARA POETICA
Joutes poétiques


sur ce thème lire aux éditions de la Maison des sciences de l'Homme et CNRS éditions
dans la collection Chemins de l'ethnologie le livre de

Maria Manca

"La poésie pour répondre au hasard :
une approche anthropologique des joutes poétiques de Sardaigne"

mancareduite

Ce livre est accompagné d'un CD qui présente l'intégrale d'un joute (Gara poetica) entre deux poètes improvisateurs, enregistrée à Ghilarza (Sardaigne) le 8 août 1999, sa transcription et sa traduction en français


La joute poétique de tradition orale, pratiquée en Sardaigne lors des fêtes patronales, oppose deux ou trois poètes qui s'affrontent à partir de thèmes tirés au sort.
Ils se répondent en chantant, accompagnés par un petit choeur polyphonique de trois chanteurs.
Dialoguée, cadrée et intellectuelle en Sardaigne, la poésie insulaire de la Méditerranée – toujours chantée – est une parole en acte, qui s’improvise et produit ce qu’elle dit : valeurs, lien social, culture communautaire.

photo:Bernard Lortat-Jacob

La gara poetica sarde
« Terra di poesia » : c’est par cette expression que les Sardes eux-mêmes désignent leur île. La poésie est d’abord pour eux un art familier : dans chaque village, chaque famille, on trouve des hommes ou des femmes qui connaissent des vers par cœur et sont capables d’en composer. Mais cette poésie trouve sa célébration dans la gara poetica (la joute poétique) qui est offerte au Saint Patron du village lors des fêtes en son honneur. À cette occasion, deux ou trois poètes professionnels sont invités à se produire sur une estrade pour débattre, trois heures durant, sur des thèmes tirés au sort comme : « l’Art et la Nature » ou « l’Œil, la Langue et la Main ». Ces poètes-improvisateurs chantent des huitains d’endécasyllabes rimés (ottavas) sur une mélodie propre à chacun (traggiu), accompagnés par un petit chœur (tenore) composé de trois hommes modulant un accord consonnant sur un jeu de syllabes sans signification (« Bim-bom », « Birimbim-bom », etc.)
La gara poetica sarde est un rituel de la parole. En effet, elle se tient à date, heure et lieu fixes – sur la place du village, près de l’église et du Saint, le jour de sa fête. C’est une création collective où interagissent les poètes, le chœur et le public ; ce dernier, très averti, applaudit, sourit ou fait la moue, évaluant les poètes tel un jury informel ; il anticipe les vers et est capable de mémoriser des strophes voire des passages entiers d’une joute pour la comparer à d’autres qui l’ont précédée. Sur ce fond d’improvisation, tout est cependant rigoureusement codifié: déroulement de la joute en trois temps (exorde, thèmes et hagiographie chantée du Saint), parcours obligé des arguments du thème, mais aussi des vers de la strophe, comportement, postures et gestuelle des poètes, etc.
En tirant au sort leur thème, les poètes doivent le défendre et s’identifier à lui : ils deviennent l’Amour, la Haine, la Richesse ou la Pauvreté. Si bien que ce qu’ils donnent à voir et à entendre aux gens rassemblés sur la place sous le regard du saint, c’est le jeu de destins simulés que le hasard leur a assigné par tirage au sort, et qu’ils doivent assumer le temps de la gara.
Maria Manca et Bernard Lortat-Jacob

LES SARDES ET LES CHEVAUX

Le cheval sarde est très renommé, petit, racé, puissant et vif, certains vivent en semi-liberté sur la Giara di Gesturi, haut plateau du centre de l’île. Il fait partie intégrante de la culture sarde. De nombreuses fêtes se déroulent avec la participation de chevaux et de cavaliers : Sa Sartiglia surtout le dernier dimanche et le dernier mardi du Carnaval à Oristano, S’Ardia, fête de San Costantino, 6 et 7 juillet, à Sedilo, San Efisio, le premier mai à Cagliari.

ARDIA DE SEDILO
ou
FÊTE DE SAN COSTANTINO

Sédilo est un gros bourg pittoresque du centre de la Sardaigne, situé à proximité du lac Omedeo, importante réserve d'eau. L'activité économique de ce village de quelques 2 500 âmes, est surtout tournée vers l'élevage principalement du mouton. Bien que situé non loin d'une voie rapide qui traverse l'ile d'Ouest en Est et conduit à Nuoro et au golfe d'Orosei, il est assez peu fréquenté par les touristes sauf en début juillet à l'occasion de la fête de "saint Constantin". L'originalité de ce "saint" est qui n'est pas officilement reconnu comme tel par l'Eglise, mais il est vénéré en Sardaigne, Constantin c'est l'empereur romain qui s'est converti et a entrainé l'adhésion au christianime.

A Sédilo, comme dans toute la Barbagia, les traditions d'honneur sont importantes et respectées.  C'est sur le territoire de ce village que se déroule une des plus anciennes manifestations sardes d'inspiration religieuse, l'Ardia, course de chevaux qui se court non pour un prix en argent ou quelqu'autre récompense mais pour l'honneur, pour la célébrité ou pour un voeu. Les hommes du village doivent s'inscrire longtemps à l'avance pour y participer et avoir l'honneur de porter le drapeau et chevaucher en tête avant de s'affronter.
Le départ de la course est donné dans un enclos, près d'une petite église qui se trouve or du village. Les cavaliers doivent, bride abattu, remonter au village pour atteindre la place de l'église. Mais là où ça ce complique c'est qu'il faut rentrer en passant sous un arc en pierre. Certaines années il n'est pas rare que des accidents se produisent provocantblessures voire la mort de certains concurrents. Mais celui qui arrive le premier est célébré comme un héros, le nom de sa famille en est honoré et respecté. Cette fête améne énormement de monde et est célébre dans toute la Sardaigne et largement au delà.
Les murs de Sédilo sont ornés de nombreux murales qui célèbrent cet événement.
Samedi 26 janvier 2013 à 20h et samedi 2 février à 09h40, la chaine ARTE présente dans l'émission 360°-Géo un documentaire de Svea Andersson "La Sardaigne des hommes et des chevaux"

 

SA COIA MAURREDDINA 

MATRIMONIO MAURITANO

Santadi, dans la province de Carbonia – Iglesia, au Sud Ouest de la Sardaigne, est un gros bourg agricole, adossé à la montagne, surtout connu pour ses coopératives agricoles : 
    - Latteria Sociale Santadi, dont les produits laitiers sont principalement issus du lait de brebis (fromages, pecorino sardo, crème et ricotta),
    - et avant tout, sa Cantina Santadi dont les vins de très grande qualité, issus de ce territoire sont très recherchés, les plus renommés sont des Carignano rouge : Terre Brune et Rocca Rubia, et des blancs Cala Silente (Vermentino) et Villa di Chiesa, mais aussi des Cannonau, etc. (voir notre page consacrée aux vins),
Au Sud du territoire de cet te commune se trouve aussi la belle grotte Is Zuddas, et que nous vous conseillons de visiter quand la température extérieure est insupportable.

MATRIMONIO MAURITANO
ou en langue sarde :
SA COIA MAURREDDINA 

Tous les ans, le premier dimanche d'août, Santadi célèbre le mariage Mauritano. En 2013 c'est la 45ème édition.
Ce mariage dans la tradition est l'occasion d'une fête qui dure plusieurs jours où sont proposés des spectacles, des expositions, des concerts, etc.
Des couples, dont au moins l'un des deux futurs conjoints est originaire de la province de Carbonia – Iglesia, qui souhaitent se marier présentent leur candidature. Parmi ceux-ci, l'un est tiré au sort par la municipalité. Il s'agit donc d'un vrai mariage qui sera célébré par le maire et la messe nuptiale par l'évêque du diocèse ou son représentant.


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groupe santadi

Le dimanche qui est le point central de cette fête, la jeune mariée, accompagnée de ses parents, arrive dans un char à banc, celui-ci est suivi de celui du marié lui aussi accompagné de ses parents tous habillés du costume traditionnel offert par la mairie. Les chars sont décorés de fleurs, de produits artisanaux : tapis sardes, poteries sardes, etc. tiré par deux bœufs. 

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le char de la mariée et de ses parentsle char du marié et de sa mère

Ils sont précédés par un défilé de sonneurs de launnedas, de joueurs d'accordéons, de groupes danseurs ayant revêtus les costumes traditionnels richement décorés de leurs différents villages, présentant fièrement leurs productions : vins, gâteaux, pains, fromages, fruits, etc. 

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Des cavaliers et cavalières eux aussi en costumes traditionnels chevauchant des équidés sardes ferment ce défilé. Le cortège est fermé par le char sur lequel est installé le maire en costume traditionnel de Santadi barré de l'écharpe tricolore aux couleurs de l'Italie, symbole de sa charge.

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Ce cortège qui serpente dans le village se termine sur la place de l'église où un podium est dressé sur lequel prennent place les mariés, leur famille et les officiels pour une grand' messe suivie par une grande foule, parfois un peu bruyante, où se mêlent personnes en costumes traditionnels, gens du village, curieux et touristes.

Dans les rues qui mènent à cette place les bars et les glaciers artisanaux sont ouverts, les trottoirs sont envahis par des stands où des marchands vendent des produits sardes : pâtisseries, torrone, bonbons, coutellerie et tapisserie artisanales, etc. mais aussi des choses plus inattendues venant du monde entier parfois bien utiles en ce début août : éventails, chapeaux, lunettes de soleil, articles de plage et autres.

Après la célébration la soirée se poursuit par des chants, des danses et des musiques traditionnels.